Loi Zimmermann: encore un effort d'imagination!

Par Anne-Marie Rocco

Certains hommes commencent à ressentir un léger agacement, mais n’osent pas le dire à voix haute car ce serait politiquement incorrect : à l’heure où les assemblées générales doivent approuver les nominations des nouveaux administrateurs, il n’y en a que pour les femmes ! Le 15 mai, le groupe financier Oddo & Cie a ainsi fait valider l’entrée de Laurence Peyraut Bertier (photo), présidente du réseau de femmes Financi’Elles et ancienne directrice de la marque Barclays Retail Banking, à son conseil de surveillance, ainsi que celle de Diaa Elyaacoubi, créatrice des entreprises Odyssée 2045, E-brands, Streamcore et membre du conseil d’administration d’Ingenico. Deux autres femmes, Soumia Malinbaum, fondatrice de Keyrus et présidente de l’Association Française du Management de la Diversité (AFMD), et Aline Sylla Walbaum, directrice générale de Christie’s France, viennent de faire leur entrée au conseil de Lagardère. Quant à l’assureur April (4000 salariés), il se targue d’avoir désormais 5 femmes sur 12 administrateurs, après la nomination récente de Dominique Druon, fondatrice du cabinet Aliath et ancienne du groupe Altran, d’Isabelle Vidal (Wanimo.com) et de Florence Durousseau (Munich Re France).  
 


Deux ans après l’adoption de la loi Zimmermann sur les quotas de femmes dans les conseils, force est donc de constater que les résultats sont bien au rendez-vous. L’objectif fixé aux 2000 plus grandes entreprises françaises pour 2017 – avoir 40% de femmes dans leurs conseils – devrait pouvoir être atteint sans difficulté par la plupart d’entre elles. Quant au CAC 40, il a déjà largement dépassé le quota intermédiaire de 20% de femmes fixé par la loi à l’horizon du 1er janvier 2014. « Sur 43 nouveaux administrateurs au CAC 40, on compte 58% de femmes pour 42% d’hommes», résume Floriane de Saint-Pierre, présidente du cabinet Ethics & Boards. « Si toutes les propositions de nominations sont votées, la moyenne de femmes aux conseils du CAC 40 va passer de 24% à 27% cette année. En éliminant les entreprises du CAC 40 qui ont leur siège hors de France, la moyenne sera même de 28,5% ». Mais, même si la loi française ne s’applique pas aux entreprises dont le siège est à l’étranger, l’effet d’entraînement a joué : avec l’arrivée d’Anne Lauvergeon au conseil d’EADS, il n’y a plus un seul conseil d’administration exclusivement masculin au CAC 40. Historique !
     


Pourtant, le bilan n’est pas aussi positif qu’il n’en a l’air au premier abord. D’abord, plus de la moitié des nominations concerne des femmes étrangères. C’est le principal fait marquant de l’année, estime même Daniel Lebègue, président de l’Institut français des administrateurs (IFA), qui ne s’en étonne guère. « Les trois quarts du CAC 40 ont plus de 50% d’actionnaires étrangers et doivent adapter leurs conseils», souligne-t-il. Il est donc tout à fait normal que les entreprises soient intéressées par des profils comme ceux de l’économiste allemande Ann-Kristin Achleitner (GDF-Suez), ou de la néerlandaise Alexandra Schaapveld, ex-spécialiste des fusions et acquisitions d’ABN Amro (Société Générale). Simple phénomène passager de rééquilibrage des conseils jusqu’alors trop franco-français ? « D’ici à 5 ans, je suis convaincue qu’on aura inversé le mouvement et qu’il y aura plus de Françaises nommées », estime Marie-Jo Zimmermann, l’auteure de la loi sur les quotas.

Deuxième déception : « Le niveau de cumul chez les femmes commence à rejoindre celui des hommes »,affirme Floriane de saint-Pierre. Surtout si l’on compte les mandats détenus à l’étranger ! Au conseil de GDF-Suez,Ann-Kristin Archleitner détient déjà pas moins de 5 mandats, chez Linde AG, Metro AG, Munich Re, Vontobel Holding AG et Bank Vontobel AG (Suisse) ! A peine moins cumulardes, des Françaises multiplient les mandats, commeMarion Guillou (BNP Paribas, Veolia Environnement, Imerys), Rose-Marie van Lerberghe (Bouygues, Casino, Air France, Institut Pasteur), ou Yseulys Costes (PPR, Seb, Vivendi).  Résultat : dans cette « promotion 2013 », on ne dénombre que très peu de têtes nouvelles, comme Yannick Assouad (Zodiac) chez Vinci, Anne-Sophie de la Bigne (EADS) chez Michelin, ou encore Anna Lisa Lousteau (Le Printemps) chez Legrand.

Pour ouvrir encore plus l’éventail des profils d’administrateurs, faudra-t-il donc réduire un peu plus le nombre de mandats autorisés par personne ? En 2001, la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) l’avait limité à 5, mais l’idée d’abaisser ce palier est beaucoup de têtes. « C’est dans l’air du temps », assure Marie-Jo Zimmermann. « Ce serait salutaire, car la France reste le pire pays pour le cumul », estime l’avocate Stéphanie Stein (cabinet Skadden).Malgré la loi qui impose la mixité des conseils d’administration, le phénomène de club est loin d’avoir disparu.
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